Lanceur d’alerte : conditions pour recevabilité de l’alerte ?
10 septembre 2018Lanceurs d’alerte : comment sont-ils protégés
La protection des lanceurs d’alerte est une garantie cruciale, visant à prévenir toute forme de représailles envers ceux qui choisissent de signaler des comportements répréhensibles. Mais quelle protection est réellement offerte au lanceur d’alerte ?
Le statut juridique du lanceur d’alerte
Une lanceur d’alerte est une personne physique signalant ou divulguant, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations concernant un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, ou encore une violation du droit international, de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Dans le cadre de son activité professionnelle, le lanceur d’alerte peut signaler des faits qui lui sont rapportés par d’autres, sans nécessité d’en avoir personnellement connaissance.
Le lanceur d’alerte ne bénéficie pas de ce statut si les faits révélés sont couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical, le secret des relations entre un avocat et son client, le secret des délibérations judiciaires, ou encore le secret de l’enquête ou de l’instruction judiciaire.
Evolution de la loi pour assurer la protection du lanceur d’alerte
Le statut juridique du lanceur d’alerte en France a été renforcé par la loi du 21 mars 2022. La loi améliore le dispositif de protection de protection des lanceurs d’alerte initié par la loi Sapin II de 2016. Cette loi élargit la définition des lanceurs d’alerte e, simplifie les procédures de signalement. Elle étend également la protection à l’entourage des lanceurs d’alerte.
Les canaux de signalement ont été simplifiés. En effet, le lanceur d’alerte peut choisir entre un signalement interne à l’entreprise ou externe, auprès d’une autorité compétente. Par exemple, au Défenseur des droits, l’autorité judiciaire ou un organe européen. Cela offre plus de flexibilité dans la manière de procéder.
En outre, la protection contre les représailles a été étendue au lanceur d’alerte lui-même mais aussi à son entourage. L’entourage comprend les facilitateurs, collègues, et proches par exemple. Offrant ainsi un soutien plus large et rompant l’isolement souvent rencontré par ceux qui décident de signaler des irrégularités.
Pour les entreprises de 50 salariés et plus, il est obligatoire d’établir une procédure interne de signalement. La procédure doit informer l’auteur du signalement dans un délai de 7 jours ouvrés de la réception de son signalement. Concernant les mesures de remédiation envisagées ou prises, dans un délai ne pouvant excéder 3 mois.
Les garanties de protection pour les lanceurs d’alertes
Confidentialité dans la procédure de signalement
Cette garantie préserve l’identité du lanceur d’alerte de toute divulgation publique tout au long du traitement. Ce qui protège le lanceur d’alerte contre d’éventuelles représailles.
La loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II, ainsi que les modifications apportées par la loi du 21 mars 2022, mettent un point d’honneur sur cette confidentialité. Le lanceur d’alerte a le droit de ne pas révéler son identité lors du signalement des faits. Les procédures de recueil des alertes mises en place par les organisations doivent garantir la confidentialité de l’identité. De celle des lanceurs d’alerte ainsi que celle des personnes visées par l’alerte.
En outre, les organismes chargés de recevoir les signalements, qu’ils soient internes à l’organisation ou externes (comme le Défenseur des droits ou les autorités judiciaires), doivent protéger cette confidentialité sous peine de sanctions. Cette protection vise à encourager la remontée d’informations sensibles en garantissant aux lanceurs d’alerte qu’ils ne subiront pas de préjudice pour avoir agi dans l’intérêt général.
Cette confidentialité est toutefois limitée par certaines conditions. Notamment lorsqu’il est nécessaire de révéler l’identité dans le cadre de procédures judiciaires. Cependant, les mesures de protection contre les représailles sont maintenues.
Garantie contre les représailles et les sanctions
Cette protection vise à assurer que toute personne révélant de bonne foi des informations dans l’intérêt général ne subisse pas de conséquences négatives du fait de ses actions. Les représailles peuvent comprendre, mais sans s’y limiter, le licenciement, la rétrogradation, les sanctions disciplinaires, la discrimination, l’intimidation, ou tout autre préjudice professionnel ou personnel.
Les employeurs et les institutions n’ont pas le droit de prendre des mesures punitives contre les lanceurs d’alerte pour leurs signalements. De plus, si un lanceur d’alerte fait l’objet de représailles, il a droit à des recours et des protections juridiques spécifiques. Par exemple, la possibilité de saisir les juridictions compétentes pour faire valoir ses droits et obtenir réparation des préjudices subis.
Protection étendue à l’entourage du lanceur d’alerte.
Comme indiqué précédemment, la loi du 21 mars 2022 a étendu la protection du lanceur d’alerte à son entourage, tel que les membres de la famille, les collègues de travail, ou toute personne physique ou morale à but non lucratif qui pourrait être associée au lanceur d’alerte ou l’assister dans le processus de signalement.
Cette mesure reconnaît que les représailles peuvent également toucher ces tiers, dissuadant potentiellement les témoins ou les proches de soutenir les lanceurs d’alerte. En étendant la protection à l’entourage, la loi vise à créer un environnement plus sécurisé et solidaire pour ceux qui exposent les faits répréhensibles, en réduisant le risque de répercussions indirectes sur leur vie personnelle et professionnelle.
L’entourage bénéficie ainsi de garanties similaires à celles accordées aux lanceurs d’alerte. Notamment en ce qui concerne la protection contre les représailles, l’intimidation, ou toute forme de discrimination. Cette approche globale souligne l’importance du soutien autour du lanceur d’alerte. Elle renforce le dispositif de protection des lanceurs d’alerte visant à encourager la divulgation d’informations dans l’intérêt public.
Accompagnement et assistance.
Les lanceurs d’alerte bénéficient d’un accompagnement et d’une assistance spécifique visant à protéger leurs droits et libertés. Le Défenseur des droits joue un rôle central dans ce dispositif. Il offre une gamme de services comprenant l’information sur la protection des lanceurs d’alerte. Il facilite l’orientation vers les organismes compétents pour faire cesser les faits dénoncés, et la protection contre les représailles.
Cette institution rend également un avis sur la qualité de lanceur d’alerte pour assurer une protection complète à l’auteur du signalement. La loi du 21 mars 2022 renforce ces mesures de soutien en élargissant la protection aux facilitateurs. Egalement en offrant des mesures de soutien financier et psychologique pour les lanceurs d’alerte faisant face à des représailles.
Le dispositif Alertcys permet de bénéficier de l’assistance d’un médiateur, le tiers de confiance externe. Il permet que les parties, le lanceur d’alerte et l’entité, bénéficient d’assistance tout au long du processus de traitement des signalements.
Et les abus liés à l’utilisation de la procédure des lanceurs d’alerte ?
Pour éviter et gérer les abus, les entreprises doivent garantir que les procédures de signalement ne sont pas exploitées de manière malveillante. Cela implique de vérifier l’authenticité des signalements reçus et de traiter uniquement ceux qui respectent les conditions de validité légales. Les signalements abusifs, doivent être identifiés et gérés de manière à ne pas pénaliser injustement les personnes visées.
Il est crucial que les entreprises communiquent clairement sur les procédures de signalement externe. Il est recommandé de diffuser largement les informations sur le dispositif interne de signalement. Cela pour s’assurer de la bonne compréhension et application par l’ensemble des salariés.
Outils et ressources
- Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite Loi Sapin 2 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique,
- LOI n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte,
- Décret n°2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte,
Livres blancs
- Livre blanc : Procédure lanceur d’alerte, mise en conformité des lois Sapin 2 et Waserman
- Livre blanc : Canal de signalement par email, pourquoi c’est une fausse bonne idée ?